"Contrôler le grand et le petit nombre n'est qu'une seule et même chose, ce n'est qu'une question de formation et de transmission des signaux."

Sun Tzu, l’art de la guerre article cinq, De la contenance.

Le psychiatre

 

- Je veux y aller !

Le capitaine de la brigade d’intervention regardait le docteur dans les yeux.

- Vous savez madame, il peut être dangereux vous nous l'avez dit, c'est un fou, il s'est évadé d’un hôpital psychiatrique, pour accomplir une soi-disant prophétie, cela peut aller de se lever en criant alléluia jusqu'à lâcher une bombe en plein milieu du bar !

- Je sais, c’est même moi qui vous ai alertés mais je suis sûre qu’il n’est pas dangereux.

Le docteur, une jeune femme brune, élancée, intelligente, grande, se trouvait contre une vingtaine d’hommes armés, cachés dans deux utilitaires garés sous la passerelle de l’université de Tours près du bar les 13 Pucelles. Ils sont en planque.

- Vous savez que vous mettez en péril l’un de nos agents à l’intérieur fit le chef furieux.

- Je sais, oui.

- Et que voulez vous faire ? dit le capitaine droit dans les yeux de la femme.

- Je peux lui enfoncer cette seringue dans le creux de l’épaule, et ainsi l’aboutir, l’endormir d’un seul coup. Elle mima le geste avec assurance, d'une main experte.

- Je reconnais bien là les psy ! fit le capitaine ironique.

Un bourdonnement crachota dans son oreille

- Oui regard 1 ?

Il s’agissait d’un des nombreux hommes cachés dans le bar en face, en train d’observer l’activité des 13 Pucelles.

Le capitaine emmitouflé dans une combinaison noir, rembourrée d'un gilet pare balle, entouré d’experts en déminage, attendait la moindre opportunité pour intervenir.

- Il a la possibilité de pouvoir s’enfuir, se cacher et d’appuyer sur un détonateur avant même que nous entrions. Cela fait déjà une heure qu’il est assis et ne bouge pas. Il écrit sur un cahier.

Le docteur regardait les images de contrôle d’un moniteur en face d’elle. Il filmait sous quatre angles différents, les actions de chacun des clients du bar. Aucun ne se doutait du risque.

- Je veux y aller capitaine ! relança la psychiatre.

- Mais il vous connaît ! vous êtes son psy

- Déguisez moi comme votre lieutenant à l’intérieur, il ne me verra pas !

Le capitaine regardait la jeune femme.

- Et s'il est piégé ? vous faites quoi?

- Comme tous les autres je meurs, mais j’ai aussi la possibilité de la raisonner, je le connais bien !

Le docteur attendait l’aval du capitaine, et puis s'il ne lui donnait pas, elle irait quand même. Le capitaine de la brigade d’intervention le savait bien, il était aussi psychologue que spécialiste en terrorisme urbain, plusieurs fois il s’était retrouvé devant des terroristes, des allumés de Dieu et autres tarés de la terre, à chaque fois sa psychologie et son instinct de conversation l’avaient sorti des pires cas.

- Ok !

Aussitôt une demi douzaine d’hommes équipèrent le docteur : fausse perruque, micro émetteur, écouteur à haute fréquence, on fit les essais, et elle se trouva aussitôt dehor; au fur et à mesure qu’elle marchait, elle entendait le capitaine parler à ses hommes.

- Docteur, vous n'approchez de la porte que sous mon ordre, il faut parer à toute éventualité tenez-vous prête.

Au même instant un homme arriva en courant, il devait avoir rendez-vous. Il la regarda l’observa un moment et la fit passer en première en guise de galanterie

- Après vous fit-il avec un grand sourire, il paraissait tourmenté, le docteur lit dans les yeux des gens.

Elle sourit et ouvrit la porte, la chaleur lui brûla le visage ainsi que la fumée de cigarette.

Le carillon de la porte sonna, les bruits du bar stoppèrent un instant. L’homme qui l'avait laissé passer la déborda sur le côté, elle chercha de la place, regarda autour d’elle. Elle avait repéré son patient dès son entrée, mais il était trop occupé à écrire. Il ne l’aperçut pas. Elle fit un aller retour pour faire croire qu’elle cherchait quelqu’un puis décida d’aller au bar.

- Un peu plus à gauche lui chuchota son oreillette, vous êtes devant la caméra numéro deux docteur continua la voix.

Le docteur après un sursaut décida de se décaler légèrement.

Elle sentait que tout le monde la regardait. Elle devait jouer le jeu, cette fausse perruque et cet équipement qui l’encombraient ne lui permettaient pas de se déplacer normalement, mais elle se concentra sur cet homme, cette homme qu’elle connaissait déjà depuis trois ans, qu’elle voyait tous les jours à l’hôpital et qui semblait si... si ..étrange.

Le barman qui vient de remarquer sa présence lui sourit et lâche son torchon, avec lequel il essuyait la vaisselle, pour s’approcher.

- Bonjour madame ce sera quoi ?

- Un café s’il vous plait bégaya t-elle un instant, merci fit elle avec un sourire.

Le type sentant un malaise préféra aller à son percolateur. Il semblait attiré par les femmes, il lui faisait un large sourire et regardait sa poitrine.

Les obsédés (pardon les hétérosexuels mâles) ne restent pas indifférents devant les poitrines des femmes pensa le docteur. Son instinct de femme se trouva sécurisé par ce sinistre regard.

Puis une jeune serveuse arriva sans la regarder, elle paraissait stressée, dépassée. Le docteur est habitué à dévisager et à comprendre les gens, cela fait partie de sa profession de pouvoir comprendre les gens avant même d’apprendre qui ils sont.

- Tu me fais un café pour la 10, dit elle au patron machinalement, qui tout de suite prit une double poignée qu'il chargea de café.

la machine grogna automatiquement, la tasse atterrit ainsi que le ticket de caisse dans son plateau et machinalement sans un regard pour le chef, elle fonça vers l’une des tables. Le barman, le patron certainement pensa le docteur, regarda alors avec intérêt les fesses de la serveuse que l’on devinait aisément sous sa jupe.

Il devait éprouver de vives émotions, son poignet tremblait comme sa mâchoire.

Le docteur souria, cela faisait longtemps qu’elle n’expérimentait plus le psychologie de comptoir et cela lui manquait. le barman approcha le café qu’il venait de préparer.

- Mademoiselle une autre bière !

Une femme d’un certain âge, bouleversée, maigre, au teint livide et non maquillée venait de commander un verre. Elle dévisagea la pauvre serveuse qui courrait dan tous les sens et qui répondit de l’affirmative par un mouvement de tête.

La jolie serveuse s’approcha du bar, elle alla chercher un café pour l'une des tables de la deuxième salle. Le barman alors pour impressionner le docteur s’approcha et lança une blague à sa serveuse.

- Tu connais le bout de viande qui entoure le vagin ?

La serveuse ne répondit pas, elle est blasée le barman est un beauf, qui n’arrête pas de regarder en direction de la cuisine ou sa femme s’active à préparer le repas du jour. La serveuse a l’habitude, elle fait l’innocente et laisse dire.

Elle sourit.

Le docteur observait les comportements, du mâle qui se prélasse devant la femelle, il émet des odeurs des hormones que la jeune fille doit sentir inconsciemment, il pose ses épaules, roule du torse et rentre son ventre. il marque ainsi un caractère de force évident.

Le barman attend sa réponse et pendant ce temps se met à presser un café dans le percolateur, la machine broie le grain, puis fait couler le liquide noir. Il se retourne lui fait signe de la tête pour lui demander si elle a trouvé la solution. La fille fait signe que non, et asticote son plateau.

- La femme répondit-il fièrement .

La blague tombe à l’eau, la serveuse sourit bêtement, un sourire hypocrite, il est idiot pense aussitôt le docteur.

 Derrière elle une femme se met à rire. Elle aussi a entendu la devinette débile et se moque ironiquement du barman, qui préfère retourner à ses tasses sales.

On crachota des instructions dans l’oreillette du docteur qui fit un bond.

- Comment vous parait-il docteur ? chuchota le voix dans l’oreillette, ne me répondez que par des signes de tête, est il nerveux?

Le docteur tourna légèrement son regard vers la table du fond, où son patient s’acharnait à écrire.

Elle fit non.

- Vous a t-il reconnu ?

Il continuait à écrire et regardait de temps en temps en face de lui.

Elle fit non.

- Indiquez-nous quand notre agent peut intervenir en toussotant le plus discrètement possible, si vous avez compris, bougez la tête.

Elle bougea la tête.

Une longue phase d’observation commença alors pour le docteur qui épiait l’agent infiltré assis à une table d'écart de l’homme et son patient, l’homme qui écrivait; une phrase d’un entretien lui revint alors en tête :

- Je ne sais pas , je ne suis qu’un représentant des forces supérieures vous savez, je n’obéis qu’à cette voix qui me dit de réunir 13 femmes et d’assister à l’évènement.

Il semblait si déterminé, et puis quand on a retrouver des livres dans sa cellule au milieu de simples romans qu’il avait emprunté et qu'en les épluchant on trouvait des ingrédients pour fabriquer des bombes et les transporter, des dessins, des schémas incompréhensibles d’un bar où jamais il n'avait mis les pieds, une adresse et des plans. Le docteur avait compris, que la voix, cette voix qui animait les pensées de l'homme, lui avait ordonné de venir pour sa prophétie.

Et il était là.

L’agent commençait à s’impatienter. Midi approchait, le patient était un homme en fuite. Mais ces trois années d’internement lui avait donné des réflexes dit de Pavlov, il allait avoir faim il allait souffrir d’un manque de médicaments et là il ne saurait pas dans quelle état l’arrêter, il fallait intervenir, vite, pendant qu’il était occupé à écrire il ne ferait rien.

le docteur était persuadée qu’il n’était pas dangereux, mais cet homme avait un passif, déjà il y a trois ans, il avait été arrêté par la police pour des crimes invraisemblables, il jouait avec des gens sur Internet, en les équipant de ceintures-bombes et en leur collant des net cam, il jouait au serial killer dont vous êtes le héros, un jeu de fou, où un homme téléguidér de force devait commettre des actes horribles.

Il bâillait, il se réveillait, le dormeur se réveillait.

Elle toussota, le signal était lancé.

-Tiens la bière est prête.

Au même moment la serveuse qui attendait sur un coin du comptoir près des pompes à bière et qui prenait une légère pose pour conforter son dos, prend le verre rempli à ras bord et le met sur son plateau, déjà bien occupé de monnaies et de cendriers pleins et vides. Puis elle se tourna et avança.

L’agent se leva au même moment d’un jet, l’information avait un moment de retard.

L’agent renversa le plateau.

- Annulé, annulé , l’action ! cria dans l’oreillette le capitaine, des hommes étaient sortis de leurs planques et y retournèrent tout de suite, le raffut dans les oreilles du docteur la fit sursauter de plus belle. L’agent aussitôt par réflexe se baissa et tourna le dos à l’homme pour aider la serveuse et fit semblant de s’excuser. La serveuse, elle, ramassa en vitesse les verres et les débris, le raffut avait étonné tout le monde.

- On se calme cria le capitaine.

On intervient dès qu’elle se relève, reprend ton souffle Gaëlle et on fonce dans le tas, tiens toi prête, dit le capitaine en direction de l’agent.

Le docteur se sentit mal, elle prit du bout des doigts la seringue qu’elle cachait dans la poche revolver de son manteau.

- 3

L’agent avait fini de ramasser les déchets au sol, elle se frotta le dos.

- 2

Elle s’assouplissait secrètement les genoux prêt à bondir, l’oreille rivée aux ordres.

- 1

Elle frotta sous ses aisselles le revolver qui traînait

L’homme se releva et parla à un enfant qui regardait la scène, puis ....

- 0

L’agent se releva, le docteur sauta de sa chaise.

L’homme fut tiré en avant et faisant basculer d'un grand coup la table devant lui en premier puis tomba lourdement, ses cahiers et dessins l’accompagnèrent, des cris s’élevèrent. L’agent lui cala un revolver dans le coup tout en lui bloquant le bras dans le dos, il gigotait.

Puis d’un mouvement le docteur arracha le tube de protection de la seringue et enfonça l’aiguille dans l'épaule de l'homme.

L’agent alors porta une main à son oreillette

- Au sol cria t-elle !

Des hommes en blouse blanche un brancard, et des policiers bloquèrent l’accès de la porte.

Le docteur était sur l’homme il dormait, il n'avait ni bombe, ni arme rien, il n’était pas un de ces massive killer, elle respira un moment.

- Judith !

Le docteur leva aussitôt la tête quelqu’un l’appelait, une voix familière.....

Une vielle femme s’approcha.

- Maman ! fit le docteur étonné de la voir là dans ce bar et rassuré en pensant au pire.

-Judith tu.... elle regarda l’homme écrasé au sol, endormi....

Elle remarqua la déformation du crâne de l’homme

Le docteur regarda sa mère palper le crâne de l’homme

Elle chercha le regard de sa mère qui alors eut une lueur de peine, de déception.

- La prophétie...la prophétie,

Judith avait entendu ce mot là depuis des années dans la bouche de sa mère. Qui aurait pu croire, que l’homme qui avait aimé sa mère et dont elle parlait depuis des années était le patient de Judith.

elle regarda avec effroi l’homme et comprit. Elle eut juste le temps de dire...

- Papa ! avec effroi.

 

Une phrase de l’homme, de son père, lui revint en tête :

Lui : vous me trahirez !